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Selon quelles conditions les droits des porteurs d’actions de préférence de SAS peuvent-ils être modifiés ?

Il est nécessaire de recueillir le consentement individuel des porteurs d’actions de préférence de SAS pour modifier leurs droits dès lors que les statuts sont muets sur les conditions de cette modification. En outre, constitue une conversion d’actions, au sens de l’article L 228-15 du Code de commerce, toute opération emportant modification des droits attachés aux actions converties.

Les faits

Des associés d’une société par actions simplifiée (SAS) porteurs d’actions de préférence émises par cette société contestent les conditions dans lesquelles la modification des droits attachés à ces actions (réduction du montant du dividende prioritaire) est intervenue en assemblée générale extraordinaire. D’une part, ils reprochent à la société de ne pas avoir recueilli le consentement individuel de chaque porteur d’actions avant la modification. D’autre part, ils font valoir que d’autres associés porteurs d’actions de préférence ont pris part au vote en assemblée en violation de l’article L 228-15, al. 2 du Code de commerce relatif à l’interdiction de vote des « titulaires d’actions devant être converties en actions de préférence ».

La cour d’appel de Lyon avait écarté ces arguments et rejeté la demande d’annulation des résolutions d’assemblée relatives à la modification litigieuse (CA Lyon 17-2-2022 n° 18/07114).

Cassation

Son arrêt vient d’être censuré par la Cour de cassation, qui retient une solution radicalement inverse de celle des magistrats lyonnais sur les deux questions soulevées par les associés mécontents.

Consentement individuel des porteurs d’actions de préférence

La Cour énonce pour la première fois le principe suivant : lorsque les statuts d’une SAS ne prévoient pas, comme dans la présente affaire, les modalités selon lesquelles les droits attachés aux actions de préférence peuvent être modifiés, le consentement individuel des titulaires de ces actions est requis pour procéder à une telle modification.

La Cour déduit ce principe de l’ancien article 1134, al. 1 du Code civil (repris à l’art. 1103 depuis la réforme du droit des contrats de 2016), aux termes duquel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elle écarte ainsi le raisonnement de la cour d’appel, selon lequel aucune disposition légale n’exige que le consentement des associés à la modification de leurs droits particuliers attachés à certaines actions soit recueilli individuellement.

Le principe de la force obligatoire du contrat posé par l’article 1134, al. 1 (par l’art. 1103 aujourd’hui) implique qu’aucun contrat ne peut être modifié sans le consentement préalable de chacune des parties (sauf dans le cas particulier d’un changement imprévisible de circonstances). Le contrat dont il est ici question, ce sont bien sûr les statuts de la SAS : le mode de rémunération des actions de préférence qu’ils fixaient ne pouvait être amendé qu’avec l’accord de chaque porteur de ces actions en l’absence de clause statutaire sur les conditions de modification des droits qui y étaient attachés.

Cette décision souligne l’intérêt pratique pour les rédacteurs de statuts de SAS d’aménager une telle clause afin d’éviter aux dirigeants de la société d’avoir à entrer en négociation individuelle avec chaque porteur de titres pour pouvoir modifier les droits afférents à ceux-ci.

Participation des porteurs d’actions de préférence au vote

Les associés mécontents demandaient l’annulation de la modification litigieuse en se fondant sur l’inobservation de l’article L 228-15, al. 2 du Code de commerce, selon lequel les titulaires d’actions devant être « converties en actions de préférence de la catégorie à créer » ne peuvent pas, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la création de cette catégorie. Or, des porteurs d’actions de préférence avaient participé au vote sur la réduction du montant du dividende prioritaire.

La cour d’appel avait jugé l’interdiction prévue par ce texte inapplicable en l’espèce car le vote de l’assemblée générale extraordinaire portait, non pas sur la création d’une catégorie d’actions de préférence, mais sur la modification à la baisse des modalités de rémunération d’actions de préférence existantes.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel sur ce point, en énonçant pour la première fois que constitue une conversion d’actions au sens et pour l’application de l’article L 228-15, al. 2 « toute opération emportant modification des droits attachés aux actions converties ».

En effet, poursuit la Cour, la modification des droits attachés aux actions de préférence, laquelle a entraîné un changement de catégorie de ces actions, constituait bien en l’espèce une conversion d’actions au sens et pour l’application de l’article L 228-15, al. 2 précité, quand bien même ces actions continuaient d’être désignées sous le même intitulé (en l’occurrence, actions de catégorie « P »). Par suite, les titulaires d’actions de préférence n’auraient pas dû prendre part au vote portant sur cette modification et les résolutions d’assemblée approuvant celle-ci étaient entachées de nullité.

Cependant, la Cour limite la portée de cette solution à la seule application de l’article L 228-15, al. 2. On peut ainsi penser que la définition extensive qu’elle fait de la notion de conversion ne s’étend pas au cas de conversion prévu à l’article L 228-14, al. 2, lequel permet aux créanciers sociaux de former opposition à une conversion d’actions de préférence aboutissant à une réduction de capital non motivée par des pertes.

 

Cass. com. 10-7-2024 no 22-15.836

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